O. Meuwly (Hrsg.): Histoire de la presse politique en Suisse romande

Cover
Titel
Histoire de la presse politique en Suisse romande.


Herausgeber
Meuwly, Oliver
Erschienen
Gollion 2011: Infolio
Anzahl Seiten
375 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
François Jequier

Ce recueil d’articles s’inscrit dans la mouvance de l’histoire culturelle et intellectuelle, si à la mode de nos jours, en mettant en évidence la complexité d’une telle approche pour la Suisse romande où les particularités cantonales et même régionales sont affirmées. Chaque auteur tend à souligner pour le canton qu’il étudie la fonction assurée par la presse dans le processus de la construction politique de ces entités qui entrent dans la Confédération helvétique au début du XIXe siècle à l’exception de Fribourg et du cas particulier du Jura. L’horizon temporel qui couvre la période, riche en ruptures et autres révolutions de la fin de l’Ancien Régime à la Première Guerre mondiale, se justifie clairement ; c’est l’âge d’or des pionniers d’où émergent de fortes personnalités qui marquèrent leur canton de leur engagement, de leurs convictions et de leur fureur à s’exprimer envers et contre toute autorité politique au nom de la liberté d’opinion dont les combats annoncent ceux de la liberté de la presse à la fin de la Restauration.

Dans ce foisonnement de combats politiques propres à chaque canton, tentons de relever quelques constantes.

Les pouvoirs en place, quelles que soient leurs tendances, qui varient au gré des renversements si nombreux dans la première partie du XIXe siècle, ont tous compris la nécessité de contrôler l’opinion publique par le soutien d’un journal qui leur soit favorable ce qui leur permet de faire passer leurs messages d’une part et de répondre d’autre part aux virulentes attaques des feuilles d’opposition quand elles survivent. C’est là l’une des premières constantes: la vigueur des polémiques se mesure à l’aulne des rapports de force entre le gouvernement et l’opposition. À de rares et brèves exceptions dues aux circonstances difficiles de maintenir en vie des feuilles d’opposition toujours menacées d’extinction, la presse politique se nourrit de ces tensions, dont la dialectique varie d’un canton à l’autre selon les périodes envisagées. C’est la presse politique qui permet l’émergence, la convergence des opinions qui mènent à l’action politique et comme le souligne Olivier Meuwly dans son préambule: «L’information ne vaut que si elle est au service du combat : la presse, en informant, en distribuant son interprétation des faits qu’elle rapporte, se fait moyen d’agir directement sur ces événements qu’elle narre, dissèque, analyse, explique à sa façon, de son point de vue». En ce sens, la presse politique en Suisse romande sert de ralliement des forces politiques en préparant l’avènement des partis politiques qui s’affirmeront dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Les fonctions de la presse politique sont comparables d’un canton à l’autre: informer, mettre en évidence, combattre, s’indigner en dénonçant, affûter ses arguments, démolir ou tourner en dérision ceux des adversaires, endoctriner et surtout lancer et entretenir des polémiques, dont les rédacteurs usent et abusent au nom de la sacro-sainte liberté d’opinion qui cache parfois de mesquines querelles de clochers et de personnes. La presse, vecteur d’idées politiques, va servir de tribune, de relais médiatiques pour des politiciens comme James Fazy, Maurice Barman et Xavier Stockmar qui sauront l’utiliser à leur profit ; elle leur permettra aussi d’exprimer leurs réflexions sur l’avenir de la société jusqu’à formuler des esquisses de théories politiques comme le fit Henri Druey dans le Nouvelliste vaudois.

Une autre constante s’impose: les combats d’idées, d’opinions, de personnes et d’enjeux de pouvoir ont joué un rôle déterminant dans la construction et l’évolution des structures institutionnelles de chaque canton romand. La presse s’arrogea la fonction d’organiser le champ politique; elle connaît, un développement considérable, pondéré par un taux élevé de disparition. Une cinquantaine de titres naissent entre 1840 et 1860, une soixantaine dans la décennie suivante, la palme revenant au canton de Vaud qui comptera 356 journaux de 1798 à 1904. Chaque formation de parti politique donne naissance à un organe de presse souvent éphémère. L’hommage que rend Philippe Henry au dynamisme et aux prises de risque d’imprimeurs, d’éditeurs et de rédacteurs neuchâtelois «souvent hommes de devoir et de convictions dotés de belles compétences » s’applique également à leurs collègues des cantons voisins.

L’apparition de la presse de gauche, précédée par des journaux ouvriers dans les Montagnes neuchâteloises et le Jura, va s’affirmer à la suite des fondations des partis socialistes cantonaux qui s’étalent de 1887 dans le canton de Vaud à 1911 pour les Jurassiens. Le premier organe de presse socialiste est édité à Saint-Imier, le 28 décembre 1891, pour disparaître deux mois plus tard après huit numéros. Les débuts de la mouvance socialiste furent laborieux et ce n’est qu’au XXe siècle que la presse de gauche se mit à compter dans les débats politiques en Suisse romande.

Les années 1860 voient s’épanouir les feuilles régionales; le cas fribourgeois présenté par Georges Andrey donne le vertige. Il fait ressortir l’ancrage local de ce foisonnement de titres couvrant des espaces restreints, qui conserveront longtemps une sorte de monopole de l’information dans leur pré carré.

Partout en Suisse romande, la presse d’opinion va peu à peu céder la place à une presse d’information à la fin du XIXe siècle, ce qui changera le statut de la presse politique au XXe siècle, en particulier celui des journalistes.

Les Valaisans ont pris une longueur d’avance dans ce domaine de recherches; Antoine Lugon, qui survole avec aisance et rigueur le cas emblématique de son canton où règnent la dérision et le sarcasme entre les journaux conservateurs et les rares voix libérales et radicales, a publié en 2008 une histoire de La presse écrite en Valais (Origines, principaux courants, évolution) dans les Cahiers de Vallesia et l’an dernier, Robert Giroud éditait trois volumes pour les 150 ans du Confédéré, journal libéral-radical qui sera de tous les combats et assumera de nombreux procès (Le Confédéré, 1861-2011, Martigny: Éditions Le Confédéré, 2011, 3 vol.)

Ce périple mouvementé au coeur des aléas de la presse politique dans les cantons romands aux particularités bien enracinées dans leurs terroirs, ouvre des pistes de recherches que des mémoires universitaires pourraient suivre.

Chaque auteur, Olivier Meuwly pour les cantons de Vaud et de Genève, Georges Andrey pour Fribourg, Philippe Henry pour Neuchâtel, Antoine Lugon pour le Valais et Benoît Girard pour le Jura, s’est efforcé de contextualiser avec précision les circonstances de la naissance de tous ces organes de presse politique (cf. La liste des titres cités), qui émergent souvent de manière éphémère dans ce maelström d’événements, de révolutions, de personnages, de querelles idéologiques autour des débats politiques, institutionnels, économiques, sociaux et religieux, qui marque les cantons romands au XIXe siècle avec des rythmes temporels qui leur sont propres.

La richesse des notes de bas de page permet d’approfondir quelques aspects particuliers et un index onomastique d’une dizaine de pages facilitera contrôles et repérages.

Citation:
François Jequier: Compte rendu de: Olivier MEUWLY (dir.), Histoire de la presse politique en Suisse romande, Gollion: Infolio, 2011. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 120, 2012, p. 432-433.

Redaktion
Veröffentlicht am
06.12.2013
Beiträger
Redaktionell betreut durch
Kooperation
Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit